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Auteur "Charles Bukowski" : 56 résultats (sur 3396 citations)

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27.2.93  Minuit 56

  Le capitaine est parti déjeuner et les marins se sont emparés du bateau.
  Pourquoi rencontre-t-on si peu de gens passionnants ? Comment est-ce possible dès lors que nous sommes des centaines de millions ? Sommes-nous donc condamnés à souffrir, tout au long de notre vie, la compagnie de sombres brutes ? Dont la Violence semble être l’unique motivation. Comme s’ils n’étaient bons qu’à ça. Et ne pouvaient différemment s’épanouir. Mais outre qu’elles puent la merde, leurs fleurs nous pourrissent le moral. L’ennui, c’est que je dépends du bon vouloir de ces mectons. Si je désire qu’on modifie mon installation électrique, qu’on répare mon ordinateur, qu’on débouche mes toilettes, qu’on me livre une nouvelle voiture, qu’on m’arrache une dent ou qu’on me coupe un morceau d’intestin, me voici contraint d’entrer en relation avec eux. Les nécessités du quotidien font que je dois en effet me connecter avec ces jean-foutre, même s’ils m’épouvantent. Et dites-vous bien que je n’emploie ce verbe – épouvanter – que par courtoisie.
  […]

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6.11.92  Minuit 08

  Au début de la soirée, je me suis senti amer, découragé, déboussolé, rongé jusqu’à l’os. Mon grand âge n’explique pas pareille débandade même s’il en est l’une des causes. J’en rendrais plus volontiers responsable la conviction que la foule, la multitude – cette Humanité avec laquelle je n’ai cessé d’entretenir des rapports conflictuels –, en un mot, la masse, s’apprêtent à me damer le pion. Et ce sans s’être un seul instant donné la peine de changer sa manière de faire. Car la foule n’invente jamais. Et rien ne peut lui titiller l’âme. De sorte qu’elle m’aura contraint à la fuir sans relâche, mais qu’elle va quand même me passer par-dessus. S’il m’avait été donné, une seule fois, de rencontrer UN être vivant en mesure de faire ou de dire quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire, je me serais promptement rangé à ses côtés. Mais la foule ânonne et sue la bêtise. Elle n’est porteuse d’aucun espoir. Elle voit, elle entend, elle parle, elle crie mais pour quel résultat… sinon le néant ? Elle voudrait incarner la vie alors qu’elle se recroqueville sur elle-même en s’inventant un pouvoir illusoire.
  […]

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  Allons, debout ! Sur le parking, j’ai récupéré ma caisse et me suis tiré. Il n’était que 4 heures de l’après-midi. Formidable ! Je roulais au pas. Au milieu de tout un peuple qui se traînait pareillement. Nous ne valons pas mieux que des escargots en balade sur une feuille de laitue.

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Après avoir fait son choix, monsieur mon voisin entreprend la serveuse. Sur le championnat de football. Il m’arrive de regarder des matches à la télé, mais je me garderais bien d’en parler dans un lieu public. Eux, non, ils se renvoient la balle comme si de rien n’était. Passent tout en revue. Leurs joueurs préférés. Les chances de chaque équipe, etc. Ce n’est pas fini, depuis son box un tiers se mêle à la conversation. Au vrai, ça ne me les briserait pas si l’autre enfoiré ne me serrait d’aussi près sur ma droite. Le glandu dans toute sa splendeur. L’amateur de foot. Pétant de santé. Un américain. Assis à côté de moi. Qu’il crève !

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À travers le mur, on entendait la radio de ces flics à la con. Deux gosses de vingt ans avec des revolvers et des matraques devenaient les maîtres du jeu à cause de deux milles ans de christianisme taré, homosexuel et sadique.

(Les rues noires de la folie.)

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  Ça pourrait aller mieux si chaque type se rendait compte que jadis, peut-être, il a été la peste de quelqu’un et qu’il ne l’a jamais su. Merde, c’est terrible de penser ça, mais c’est probablement vrai, et ça peut nous aider à supporter nos pestes. Au fond, personne n’est parfait. Chacun porte en soi son petit tas de folies et de laideurs, dont il n’a pas conscience mais qui n’échappe pas aux autres.

(Notes sur la peste.)

artiste

C’est dans la nature des artistes de tenter presque toutes les expériences. Les artistes sont des découvreurs, désespérés et suicidaires. Mais la défonce vient APRÈS l’Art, après que l’artiste existe. La défonce ne produit pas l’Art. Mais elle devient souvent la récréation de l’artiste, comme une cérémonie de l’être, et les soirées de défonce lui fournissent aussi un sacré matériel, avec tous ces gens qui se déculottent le cerveau, ou qui, s’ils ne se déculottent pas, baissent leur garde.

(La grande défonce.)

fiction

  Cette nouvelle est une fiction. Tout événement similaire survenu dans la réalité et connu du public n’a absolument pas influencé l’auteur dans le choix de ses personnages. Autrement dit, j’ai laissé courir mon esprit, mon imagination, mes facultés créatrices, en un mot, j’ai tout inventé. Certains verront dans mon récit le fruit de quarante-neuf années passées en compagnie des humains. Je n’ai copié aucun fait, aucune affaire précise, et n’ai pas cherché à blesser, à impliquer ou à condamner ceux de mes frères humains qui vécurent des événements analogues à l’histoire que voici…

(Le meurtre de Ramon Vasquez.)

littérature

Disant cela, je ne sacralise pas la littérature, j’affirme simplement qu’elle se confond avec ma vie.

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Du diable si je parviens, même après y avoir réfléchi, à donner du sens à cet incident !

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  « Écoute, mon chou, ça rime à quoi, toute cette singerie ? N’as-tu pas compris que la nature nous manipule ?
  — Explique-toi.
  — Réfléchis, trésor. Et pense à deux mouches qui baisent. Tas quand même déjà vu un truc de ce genre ?
  — TOI, T’ES SIPHONNÉ MAXI ! JE ME CASSE, DUCON ! »
  Attention danger ! Pousser trop loin l’auto-analyse vous condamne tôt ou tard à vous retirer de la vie active, à ne même plus bouger le petit doigt. À l’instar de ces solitaires qui s’assoient sur une colonne de pierre et qui n’en bougent plus. Mais peut-on, pour autant, les qualifier de sages ? Permettez-moi d’en douter. Certes, ils se sont débarrassé de l’évidence, mais n’est-ce pas parce qu’une force obscure les y a contraints ? En ce sens, ils ressemblent à la mouche qui se baiserait elle-même. Il n’existe pas de solution miracle, action et inaction s’équivalent. Aussi ne reste-t-il à l’écrivain qu’à mettre sa peau sur la table : qu’importe sa façon de se mouvoir sur l’échiquier, de toute façon il finira échec et mat.

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EMBRASSE LA MAIN QUE TU NE PEUX PAS TRANCHER.
Proverbe touareg.
NOUS AVONS TOUS, UN JOUR OU L’AUTRE, ÉTÉ DE BRAVES TYPES.
Amiral St Vincent.
[…]

SÉSAME OUVRE-TOI – JE VEUX SORTIR.
Stanislas Jery Lec.
UN MÈTRE ÉTALON NE DIT PAS SI L’OBJET À MESURER FAIT UN MÈTRE.
Ludwig Wittgenstein.
(Dix branlettes.)

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[…], et puis j’ai réalisé que tout le monde souffrait en permanence, y compris ceux qui faisait semblant de ne pas souffrir. J’ai jugé ma découverte importante. J’ai regardé le vendeur de journaux et j’ai pensé, hmmmm, hmmmm, ensuite j’ai regardé un passant et j’ai pensé, hmmmm, hmmmm, hmmmmmm, et au croisement près de l’hôpital une voiture noire neuve a tourné au feu et renversé une ravissante jeune fille en minijupe bleue, elle était blonde, avec des rubans bleus dans les cheveux, elle s’est assise dans la rue au soleil, un liquide écarlate coulait de son nez.
(Docteur nazi)

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  « […]
  — Et puis t’es tellement lugubre, tu restes, là, comme une chiffe molle. Les écrivains sont tellement… précieux… vous pouvez pas saquer les gens. L’humanité pue, c’est bien ça ?
  — Exactement.
  […]
  — Tu comptais faire quelque chose ce soir ?
  — J’avais l’intention d’écouter les chants de Rachmaninov.
  — Qui c’est ?
  — Un Russe, mort.
  — Regarde-toi. T’es complètement avachi.
  — J’attends. Certains ont attendu deux ans. Parfois, ça ne revient jamais.
  — Et si ça ne revenait jamais ?
  — J’enfilerais mes godasses et j’irais me balader dans la Grande Rue.
  — Pourquoi ne prends-tu pas un boulot décent ?
  — Il n’y a pas de boulot décent. Si un écrivain ne réussit pas à créer, il est mort.
  — Oh ! allez, Carl ! Il y a des millions de gens dans le monde qui bossent sans créer quoi que ce soit. Est-ce que tu veux dire par là qu’ils sont morts ?
  — Oui.
  — Et toi tu as une âme ? Tu es l’un des rares qui aient une âme ?
  — Je le crois assez.
  — Je le crois assez ! Toi et ta petite machine écrire ! Toi et tes chèques dérisoires ! Ma grand-mère gagne plus de blé que toi ! »
(Tu ne sais pas écrire une histoire d’amour)

vérité

Évidemment, le problème de toute affirmation est qu’elle est facilement aussi une contre-vérité, une vérité partielle, un mensonge ou un vieux géranium.

(Un tuyau qui vaut son pesant de crottin.)

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  Il n’y que dans ce petit bureau du premier étage que je me requinque, que mon corps vieillissant et que mon âme, qui ne l’est pas moins, se rafistolent alors que j’écoute la radio. Ici, je suis enfin à ma place. C’est comme ça. Et pas autrement.

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Ils semblent être en vie, mais ce n’est qu’une façade. Derrière leurs tables, dans leurs box, ils s’écoutent parler, tout en s’empiffrant.

drogue

Il y a de bonnes raisons d’interdire le LSD, le DMT, le STP, on peut bousiller définitivement sa tête avec, mais pas plus qu’au ramassage des betteraves ou en bossant à la chaîne chez General Motors, en faisant la plonge ou en enseignant l’anglais dans une fac.
[…]
  Reparlons du LSD. S’il est vrai que moins tu en fourgues plus c’est risqué, on peut dire aussi que plus tu en prends plus c’est risqué. Toute activité créatrice complexe, comme la peinture, la poésie, le braquage de banques, la prise du pouvoir, te mène au point où le miracle et le danger se ressemblent comme des frères siamois.
[…]
L’herbe ne fait que rendre la société actuelle plus supportable ; le LSD est déjà en soi une autre société.
[…]
Le mauvais trip ne vient pas du LSD, mais de ta mère, du Président, de la petite fille d’en face, des vendeurs d’ice-creams aux mains sales, d’un cours d’algèbre ou d’espagnol obligatoire, ça vient d’une odeur de chiottes en 1926, d’un type avec un long nez quand tu croyais que les longs nez étaient laids, ça vient d’un laxatif, de la brigade Abraham Lincoln, des sucettes ou de Bugs Bunny, ça vient de la tête de Roosevelt, d’un verre de vinaigre, de passer dix ans dans une usine et te faire virer parce que tu as cinq minutes de retard, ça vient de la vieille outre qui t’a appris l’histoire de ton pays en sixième, de ton chien qui s’est perdu sans que personne ne t’aide à le retrouver, ça vient d’une liste longue de trente pages et haute de cinq kilomètres.

(Mauvais trip.)

drogue

  Il y a des réponses de fond et il y a le petit bout de la lorgnette. Nous nous amusons toujours avec le petit bout de la lorgnette parce que nous ne sommes pas assez mûrs ou assez vrais pour dire ce que nous voulons. Nous avons cru pendant des siècles que c’était le christianisme. Nous avons jeté les chrétiens aux lions puis nous avons laissé les chrétiens nous donner aux chiens. Nous avons compris que le communisme remplissait un peu l’estomac de l’homme de la rue mais qu’il ne changeait guère son âme. Maintenant nous jouons avec les drogues, comme si elles devaient ouvrir des portes. L’Orient a connu la drogue, bien avant la poudre à canon. Ils ont comprit qu’ils souffraient moins et qu’ils mouraient plus. Se défoncer ou ne pas se défoncer.

(La grande défonce.)

incommunicabilité

  J’ai lavé un verre et bu un peu d’eau. Puis je me suis traîné jusque dans la chambre. Vous ne saurez jamais quelle épreuve ce fut de passer de la position debout à la position allongée, sur le lit. La seule façon de m’en tirer était de ne plus faire un geste, je suis donc resté immobile comme un gros poisson surgelé bien con. Je l’entendais tourner les pages et, voulant établir une sorte de contact humain, j’ai risqué une question :
  « Comment ça s’est passé à l’atelier de poésie aujourd’hui ?
  — Oh ! je m’inquiète pour Benny Adimson, a-t-elle répondu.
[…]
  — Mais Benny Adimson n’écrit pas sur LUI-MÊME ! Il écrit sur les AUTRES.
[…]
  — Benny Adimson est trop SENSIBLE pour travailler à la poste !

(Trop sensible.)

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j’aime mieux qu’on me raconte la vie d’un clochard américain que celle d’un dieu grec mort.

bonheur

J’aime pas quand tu t’en vas le soir, alors qu’on pourrait jouer à la maman. Je serais la maman et toi le bébé.
[…]
  « Bébé, pourquoi les gens veulent nous faire mal avec leurs voitures ?
  — Eh bien, maman, c’est parce qu’ils sont malheureux, et les gens malheureux aiment bien tout casser.
  — Il n’y a pas de gens heureux ?
  — Il y a beaucoup de gens qui font semblant d’être heureux.
  — Pourquoi ?
  — Parce qu’ils ont honte et peur, et qu’ils n’ont pas le courage de le dire.
  — Tu as peur ?
  — J’ai le courage de te le dire à toi : j’ai tellement la trouille, maman, que j’ai peur de mourir à chaque instant.
  — Bébé, tu veux ton biberon ?
  — Oui, maman, mais quand on sera à la maison. »

(pourquoi il y a du poil sur les noix de coco ?)

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J’écoutais les trois malades se plaindre de la nourriture, du prix de l’hôpital, se plaindre des médecins et des infirmières. Quand l’un parlait, les deux autres ne semblaient pas écouter : en tout cas, ils ne répondaient rien. Puis un autre enchaînait. Ils bavassaient à tour de rôle. Il n’y avait rien d’autre à faire. Ils déblatéraient dans le vague, changeant de sujet toutes les trois phrases.
(Tous les trous du cul de la terre et le mien)

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  Je dois avoir le cuir trop râpé pour fréquenter les cocktails et faire des phrases sur n’importe quoi. Les humains que je croise sur les champs de courses et autoroutes, dans les stations-service, les supermarchés et les cafétérias, etc., me suffisent amplement. Leur indifférence me sied. Alors que, dans un cocktail, je me fais l’effet d’être maso, même si on me sert à boire gratos. Ça ne marche jamais pour moi. Je suis trop fragile pour me soumettre à pareille épreuve. Les gens me pompent. Je ne recharge mes batteries qu’en les fuyant. Où suis-je le mieux, sinon tassé sur mon fauteuil, un beedie au coin des lèvres et l’œil rivé à l’écran ? Rencontrer un être d’exception, ou même pas trop nul, tient du miracle. En règle générale, l’inconnu qui vous aborde fait plus que vous prendre la tête, il vous laisse sur le carreau. De quoi vous transformer en vieil atrabilaire que tout exaspère. Ce pouvoir de nuisance est à la portée du premier venu, et comme ils sont légions, au secours !

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Je me moque de savoir pourquoi les gens me font des fleurs. Je prends les fleurs, et je les prends sans triomphe ni contrainte. Mon seul principe est de ne rien demander. Pour coiffer le tout, un petit microsillon tournait en crissant au sommet de mon crâne et c’était toujours le même refrain : « Bouge pas, bouge pas. » Ça me semblait correct comme idée.

(Une charmante histoire d’amour.)

guerre

Je ne reproche aucunement à la guerre que je doive tuer quelqu’un ou que je puisse être tué sans raison, tout cela n’a que peu d’importance. Ce que je lui reproche, c’est de m’empêcher de rester assis dans une petite chambre pour crever la dalle, picoler du vin dégueulasse et délirer à ma façon, quand j’en ai envie.
  Je ne voulais pas me réveiller au son de la trompette. Je ne voulais pas dormir dans une caserne avec une bande de jeunes Américains pleins de santé obsédés frustrés amateurs de football suralimentés masturbateurs aimant les vannes lourdingues adorables trouillards roses accrochés à leur maman modeste jouant au basket, avec qui je devrais faire ami-ami, avec qui je devrais me farcir à longueur de journée, et dont je devrais écouter les innombrables plaisanteries salaces, grossières et chiantes. Leurs couvertures, leurs uniformes et leur humanité me donnaient de l’urticaire. Je ne voulais pas chier au même endroit qu’eux, pisser au même endroit qu’eux ni partager les mêmes putains qu’eux. Je ne voulais pas voir leurs ongles de pied ni lire les lettres de leurs parents. Je ne voulais pas voir leurs culs tressauter devant moi en formation serrée, je ne voulais pas copiner avec eux, je ne voulais pas m’en faire des ennemis, je ne voulais tout bonnement pas d’eux, ni de ça ni de rien de tel. Tuer ou être tué, c’était accessoire.
(Guerre et taule)

musique

  Je ne respirais qu’en compagnie des morts, écrivains ou musiciens. À leur contact, la solitude me pesait moins. Sauf que les livres débordant d’énergie et de mystère ne sont pas si nombreux et qu’il arrive un moment où on les a tous lus. Voilà pourquoi la musique classique aura constitué mon ultime refuge. Je passais des heures – et sur ce point je n’ai pas varié – l’oreille collée au poste de radio. Découvrais-je un morceau nouveau, qui témoignait de la puissance de son créateur, que j’en étais émerveillé – ce qui m’arrive encore assez souvent aujourd’hui. Tenez, tandis que j’écris ce que vous êtes en train de lire, j’écoute une pièce dont j’ignorais jusqu’alors l’existence. Je me repais de chacune de ses notes, mon être tout entier vibre à l’unisson. Quand je songe, par exemple, à ce que les siècles passés recèlent de trésors, je suis saisi d’une émotion à nulle autre pareille. Ah ! pouvoir enfin pénétrer le secret de ces âmes indomptables ! Les mots me manquent pour exprimer ma pensée, disons que la musique m’aura offert la félicité, que je m’en nourris, que j’en suis transporté, et que je lui en rends grâce à chaque instant. Je n’ai jamais écrit une seule ligne sans que la radio ne soit allumée, la musique participe de ma création, l’oreille écoute tandis que la main peine à creuser son sillon. Un jour peut-être, quelqu’un se piquera de vouloir me démontrer pourquoi la musique classique me fait l’effet d’un Miracle permanent. Je doute qu’il y parvienne. Les prodiges ne s’expliquent pas. Mais pourquoi, oui pourquoi, les livres sont-ils dénués de ce pouvoir ? Qu’est-ce qui cloche avec les écrivains ? Pourquoi en existe-t-il si peu qui vaillent qu’on s’y arrête ?

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Je préférais crever la dalle plutôt que de vivre leur vie ; je filais me cacher au fin fond de mon propre esprit.
(Voilà ce qui a tué Dylan Thomas)

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  Je savais que les queues me tuaient. Je ne pouvaient pas m’y faire, pourtant tout le monde s’y faisait. Tout le monde était normal, sauf moi. La vie était belle, pour eux. Ils pouvaient faire la queue sans souffrir. Ils pouvaient faire la queue jusqu’à la mort. En fait, ils aimaient faire la queue. Ils papotaient, se marraient, souriaient, flirtaient. Ils n’avaient rien d’autres à faire. Ils n’imaginaient pas autre chose. Dire que je devais contempler leurs oreilles, leurs bouches, leurs cous, leurs jambes, leurs culs, leurs narines, tout le tintouin. Je sentais des vapeurs méphitiques et mortelles sourdre de leurs corps ; quand j’écoutais leurs conversations, j’avais envie de hurler : « Jésus Marie Joseph, au secours ! Dois-je vraiment souffrir à ce point pour acheter deux cents grammes de bidoche et une baguette ? ».
(Docteur nazi)

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  « Je sens la douleur pénétrer par tous les pores de mon corps. C’est comme une seconde peau. J’aimerais pouvoir muer comme un serpent, me débarrasser de cette peau.
  — Eh bien, pourquoi ne pas t’allonger sur le tapis, histoire d’essayer ?
  — Dis-moi, demanda-t-il, où donc t’ai-je rencontrée ?
  — Dans un restau, chez Barney.
  — Ah ! bon, maintenant je comprends mieux. Prends donc une bière. »
(Tu sais pas écrire une histoire d’amour)

écriture

Laissez-moi vous dire une bonne chose : je ne sais rien d’aussi sinistre que la perte de ce que l’on vient d’écrire. Réflexion faite, j’ai également paumé des pans entiers de mon roman. Tout un chapitre. Que croyez-vous que j’ai fait. Me le suis refarci en maudissant le ciel. N’empêche que lorsque ça vous arrive, si vous ne retrouvez plus, tels quels, les petits éclairs précédents, vous y gagnez au bout du compte puisque, en repartant de zéro, vous écartez sans hésiter les lignes qui ne vous plaisaient qu’à moitié et introduisez les ajouts qui améliorent l’ensemble. Pardon ? Forcément que ça vous prend le reste de la nuit. Le temps que les oiseaux s’éveillent. Que votre épouse et les chats se disent que vous avez à jamais perdu l’esprit.

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  Laissons courir, c’est encore une autre histoire. La bête a beaucoup de pattes et une toute petite tête, dans mon récit, comme dans la réalité.
[…]
  Je saute sur une autre patte de la bête : […]

(La grande défonce.)

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L’appétit des hommes ignore les états d’âme et il s’aiguise tous les jours. Au diable, les communistes !

(Un tuyau qui vaut son pesant de crottin.)

folie

  — La santé de l’esprit est une imperfection, a dit Sanchez en avalant deux cachets.

(Dix branlettes.)

misanthropie

Le meilleur lecteur ou, pour tout dire, le meilleur être humain, mâle ou femelle, est celui qui vous gratifie de sa non-présence.

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« Les deux grandes inventions de l’homme sont le lit et la bombe atomique : le premier fait tout oublier et la seconde fait tout disparaître. » Les gens me prenaient pour un fou. Des jeux d’enfants, voilà ce qui les amuse : ils passent du con de leur mère à la tombe sans jamais toucher du doigt l’horreur de la vie.

(Violet comme un iris.)

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  — Les hommes, dit Hemingway, deviennent des intellectuels pour échapper au désespoir.
  — Les hommes deviennent des intellectuels pour échapper à la peur, non au désespoir.
  — La différence entre la peur et le désespoir est…
  — Bingo ! j’ai fait, un intellectuel !… À boire…
(Pas de coup et mauvais comme une teigne)

liberté

Malheureusement, la plupart des gens se croient plus libres qu’ils ne sont, et la génération hippie se trompe quand elle décide de ne pas faire confiance aux plus de trente ans. Trente ans, ça ne veut rien dire. La plupart des gens se font coincer et mouler, en bloc, dès l’âge de sept ou huit ans. Beaucoup de jeunes ont l’AIR libre, mais ce n’est qu’une chimie des cellules, de l’énergie, pas un fait de l’esprit. […] Un être libre, c’est rare, mais tu le repères tout de suite, d’abord parce que tu te sens bien, très bien, quand tu es avec lui.

(Mauvais trip.)

psychologie

misérables bobo-la-tête qui nous sortent leurs jokers magiques, qui nous enculent avec leurs mots, qui nous baratinent sur le pied-bot de notre mère, l’ivrognerie de notre père et la fiente de poulet qu’on s’est pris dans le bec alors qu’on avait 3 ans, et qui en déduisent la raison pour laquelle on est homosexuel ou équarrisseur.

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  « Mon poussin, il s’agit de business, pas de sport. Nous ne voyons pas l’intérêt de blesser les gens, suis-je clair ? »
(Le Christ à patins à roulettes)

star

[…] nous sommes des fans des idoles d’Hollywood ; […]

(Le meurtre de Ramon Vasquez.)

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On a dû repasser chez notre chauffeur d’un soir, il nous a présenté sa compagne, on a fait risette à leur bébé, puis on est tous montés dans la limousine. Le minibar a facilité les échanges. Le concert avait lieu au Dodger Stadium. On est arrivés en retard. Les rockers avaient déjà sorti la grosse artillerie, la sono crachait un max, 25 000 personnes. Pour vibrer, ça vibrait, mais il y manquait le souffle du génie. Honnête mais simpliste. Je veux bien croire que les paroles des chansons déménageaient, encore aurait-il fallu que je puisse distinctement les entendre. Cela dit, il devait être question d’une Juste Causse, du Respect des Libertés, de l’Amour qui ne dure qu’un temps, etc. Les fans ne fonctionnent qu’à l’antibourgeois, antiparents, antitout. Sauf qu’en dépit de leurs proclamations, un groupe qui ramasse les millions à la pelle APPARTIENT FORCEMENT À LA BOURGEOISIE.
  Juste avant le dernier morceau, le leader du groupe a réclamé le silence : « Nous dédions ce concert, a-t-il déclaré, à Linda et Charles Bukowski. » 25 000 furieux ont aussitôt applaudi comme s’ils savaient qui on était. À mourir de rire !

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On commence à sauver le monde en sauvant un seul homme à la fois. Tout le reste, c’est du romantisme ou de la politique.

(Trop sensible.)

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  On est aujourd’hui samedi, il fait froid et le soleil va se coucher. Que faire l’après-midi ? Si j’étais Liza, je me peignerais les cheveux mais je ne suis pas Liza. Bon, j’ai un vieux Nationale Geographic et les pages brillent comme des vrais paysages. Évidemment, ce sont des faux. Autour de moi dans l’immeuble, ils sont tous soûls. Une pleine termitière de pochards. les dames passent sous ma fenêtre. Je pète, je murmure un « merde » tendre et fatigué, puis j’arrache cette page de ma machine. Elle est à toi.

(Mauvais trip.)

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  On ne manque pas de sociologues à faible quotient intellectuel aujourd’hui. Pourquoi j’en ajouterais, avec mon intelligence supérieure ? On a tous entendu ces vieilles femmes qui disent : « Oh ! comme c’est AFFREUX cette jeunesse qui se détruit avec toutes ces drogues ! C’est terrible ! ». Et puis tu regardes la vieille peau : sans dents, sans yeux, sans cervelle, sans âme, rien, rien qu’un bâton, et tu te demandes ce que son thé, ses biscuits, son église et son petit pavillon ont fait pour ELLE. Et les vieux se mettent parfois dans une colère noire contre les jeunes : « Bon sang, j’ai travaillé DUR toute ma vie ! » (Ils prennent le travail pour une vertu, mais ça prouve seulement qu’un type est taré.) « Les jeunes veulent tout pour RIEN ! Ils s’abîment la santé avec la drogue, ils s’imaginent qu’ils vont suivre sans se salir les mains ! »
  Puis tu LE regardes :
  Amen.
  Il est seulement jaloux. Il s’est fait enculer, on lui a piqué ses plus belles années. Il meurt d’envie de baiser. S’il tient jusqu’au bout. Mais il peut plus. Donc, maintenant, il veut que les jeunes souffrent comme il a souffert.

(La grande défonce.)

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Pour eux, c’est simple, on perd son âme en face d’un écran. Farceurs, va ! Où ne la perd-on pas ?

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Pourquoi les docteurs vaudraient-ils mieux que moi ? Je comprends pas. Le vieux coup du sorcier.

(Les rues noires de la folies.)

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Pourtant, ces dimanches étaient sympas, la plupart des dimanches étaient sympas, minuscules lumières dans les jours sombres de la dépression, quand nos pères arpentaient leurs porches, impotents, sans travail, et nous regardaient nous dérouiller, puis rentraient pour fixer les murs, hésitant à allumer la radio à cause de la note d’électricité.
(Tap tap contre le rideau)

ancienneté

Pourtant, les zombis qui restent longtemps à la même place acquièrent parfois des miettes de pouvoir et de prestige.
(Deux pochards)

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  Puis ils ont commencé à me regarder. J’ai entendu des voix et elles ne venaient pas toutes de l’intérieur de ma tête :
  « Qu’est-ce qu’il a, ce fils de pute ?
  — Il croit qu’il vaut mieux que nous ?
  — Il faudra qu’il bosse avec nous, mec.
  — Pour qui il se prend ? »

(À prendre ou a laisser.)

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  Puis je me suis dit : « Voilà ce que TOUS pensent : je n’ai rien à voir avec eux. Chacun des AUTRES pense ça de LUI-MÊME. Et ils ont raison. Alors ? »

(Les vingt-cinq clochards.)

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Que peut faire un poète sans la souffrance ? Il a autant besoin d’elle que d’une machine à écrire.
(Voilà ce qui a tué Dylan Thomas)

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  Se lamenter sur un cadavre est aussi inconséquent que de verser des larmes sur une fleur qu’on vient de couper. L’horreur, ce n’est pas la mort mais la vie que mènent les gens avant de rendre leur dernier soupir. Ils n’ont aucune considération pour elle et ne cessent de lui pisser, de lui chier dessus. Des copulateurs sans conscience. Ils ne s’obsèdent que sur la baise, le cinoche, le fric, la famille, tout ce qui tourne autour du sexe. Sous leur crâne, on ne trouve que du coton. Ils gobent tout, Dieu comme la patrie, sans jamais se poser la moindre question. Mieux, ils ont vite oublié ce que penser voulait dire, préférant abandonner à d’autres le soin de le faire. Du coton, vous dis-je, plein le cerveau ! Ils respirent la laideur, parlent et se déplacent de manière tout aussi hideuse. Faites-leur donc entendre de la bonne musique, eh bien ils se gratteront l’oreille. La majeure partie des morts l’étaient déjà de leur vivant. Le jour venu, ils n’ont pas senti la différence.

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Tête de Merlan, ma paranoïa a souvent été le signe annonciateur d’une vérité à venir…

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  Traversant la rue, notre voisin d’en face nous rejoint. On se serre la main. Lui et moi, on s’est souvent soûlés ensemble. On lui raconte ce qui vient d’arriver à Charley. Et chacun de s’étonner que sa famille le délaisse autant. Quoique, nous-mêmes, on ne se soit guère plus occupés de lui.
  « Faut que vous veniez voir ma cascade, s’exclame notre voisin.
  — D’accord, on y va. »
  On traverse sa maison, croisant au passage sa femme et ses gosses, et par la porte de derrière on pénètre dans l’arrière-cour, on dépasse sa piscine et on découvre tout au fond sa GIGANTESQUE cascade. Tombant du haut d’une falaise bien qu’il semble qu’une partie de l’eau sorte d’un tronc d’arbre. Un monument. Construit avec de très gros et très beaux rochers de différentes couleurs. Sous la lumière des projecteurs, des torrents rayonnants font entendre leur musique fracassante. On a peine à y croire. Sur le côté, un ouvrier en surveille, malgré l’heure, la bonne marche. Avec ce genre de fantaisie, on ne doit jamais en avoir fini.
  J’en serre cinq à l’ouvrier.
  « Il a lu tous vos livres, dit le voisin.
  — Vous déconnez ou quoi ? »
  L’ouvrier se fend d’un grand sourire.
  Après quoi, on fait machine arrière. « Que diriez-vous d’un verre de vin ? », propose le voisin. Je décline l’invitation. Rapport à mon mal de gorge et à ma migraine persistante, lui dis-je.
  Linda et moi retraversons la rue et réintégrons notre home.
  Voilà comment, pour l’essentiel, se sont déroulées la journée et la soirée.

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UN PETIT BOUT DE CONVERSATION
[…] Mais Larry n’écoute pas. Il prépare son fusil. Il est parti pour Mexico chez les révolutionnaires. Les révolutionnaires bâillaient et buvaient de la téquila. Plus la barrière de la langue. Aujourd’hui, c’est le Canada. Ils ont une réserve d’armes et de nourriture dans un État du Nord. Mais ils n’ont pas la bombe atomique. Il sont baisés. Et pas d’aviation non plus.
  — Les Vietnamiens n’en ont pas. Ils s’en sortent très bien.
  — Oui, parce que avant de lancer la bombe A il faut faire gaffe à la Russie et à la Chine. Mais suppose qu’on décide de bombarder une réserve pleine de petits Castro dans l’Oregon ?
  — Tu parles comme un bon Américain.
  — Je fais pas de politique. J’observe.
  — Heureusement que tout le monde fait pas comme toi, ça ne nous mènerait pas loin.
  — Ça nous a mené loin ?
  — Je sais pas.
  — Moi non plus. Mais je sais que beaucoup de révolutionnaires sont des cons, et des RASEURS, des raseurs de première en plus. Mec, je dis pas qu’il ne faut pas aider les pauvres, éduquer les analphabètes ou mettre les malades à l’hôpital. Je dis que la soutane se porte bien chez les révolutionnaires, et que certains sont de pauvres diables bouffés par l’acné, des cocus qui portent d’infects petits badges pour la Paix au bout d’une ficelle qui leur pendouille autour du cou. La plupart sont des suiveurs qui bosseraient aussi bien pour la General Motors. S’ils étaient capables de se fixer. J’en ai assez de passer de petits chefs en petits chefs. On fait ça à chaque élection.
  — Je crois tout de même que la révolution nous débarrasserait d’un chié paquet de merdes.
  — Qu’elle gagne ou qu’elle perde, c’est du kif. La révolution nous débarrassera d’un paquet de bonnes choses et d’un paquet de mauvaises. L’Histoire se fait très lentement. Moi, j’irai m’installer dans un arbre.
  — Rien de tel pour observer.
  — Ouais. Reprends donc de la bière.
  — Tu continues de parler comme un réactionnaire.
  — Écoute, rabbin, j’essaie de voir le truc sous tous les angles, et pas seulement de mon point de vue. Le Système ne s’affole pas. Il faut lui reconnaître ça. Je discuterai toujours avec le Système. Je sais que je me frotte à un dur. Regarde ce qu’ils ont fait de Spock, des deux Kennedy, de Luther King, de Malcolm X. Fais la liste. Elle prend de la place. Si tu fonces dans le gras du bide des costauds, tu te retrouves en train de sucer les racines de pissenlit à Forest Lawn. Pourtant, les temps changent. Les jeunes pensent mieux que les vieux, les vieux clamsent. Il doit y avoir moyen d’y arriver sans tuer tout le monde.
  — Ils t’ont fait craquer. Pour moi, c’est « la Victoire ou la Mort ».
  — C’est ce que disait Hitler. Il a eu la Mort.
  — Tu écris des trucs du genre de Rue de la Peur, et tu veux parader et serrer la main des tueurs.
  — Je t’ai serré la main, rabbin ?
  — Tu tournes tout en dérision alors qu’en ce moment précis on commet des cruautés.
  — Tu parles de la mouche et de l’araignée ou du chat et de la souris ?
  — Je parle de l’Homme contre l’Homme, quand l’Homme a les moyens de faire autrement.
  — Il y a du vrai dans ce que tu dis.
  — Pas qu’un peu. Il n’y a pas que toi qui aies une grande gueule.
  — Alors que conseilles-tu, de brûler la ville ?
  — Non, de brûler la nation.
  — Tu feras vraiment un sacré rabbin.
  — Merci.
  […]
  — Je crois tout de même que tu es un peu lâche.
  — Oui, c’est sûr. Le lâche est un homme qui prévoit l’avenir. Les héros ont rarement de l’imagination.
  […]
Et seules quelques perdrix solitaires se souviendront que les dés ont roulé et que les murs ont souri. Bonne nuit.