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  Cependant, puisque j’ai revêtu une bonne fois la peau du lion, je vous enseignerai encore ceci : c’est que le bonheur recherché par les chrétiens, au prix de tant d’épreuves, n’est qu’une sorte de démence et de folie. Ne redoutez pas les mots, pesez plutôt la réalité. Tout d’abord, les chrétiens ont une doctrine commune avec les Platoniciens : c’est que l’esprit, enveloppé et garrotté dans les liens du corps, et alourdi par la matière, ne peut guère contempler la vérité telle qu’elle est, ni en jouir ; aussi définit-on la philosophie une méditation de la mort, parce qu’elle détache l’âme des choses visibles et corporelles, ce qui est également l’œuvre de la mort. C’est pourquoi, aussi longtemps que l’âme utilise normalement les organes du corps, on la dit saine ; mais lorsque, rompant ses liens, elle s’efforce de s’affranchir et songe à fuir sa prison, on appelle cela folie. Si l’effort coïncide avec une maladie ou un défaut organique, il n’y a plus aucune hésitation. Pourtant voyons-nous de tels hommes prédire l’avenir, connaître les langues et la littérature, qu’auparavant ils n’avaient jamais apprises, et manifester en eux quelque chose de divin. Nul doute que leur âme, purifiée en partie du contact du corps, ne commence à développer son énergie native. La même cause, je pense, agit sur les agonisants, qui révèlent des facultés semblables et parlent parfois comme des prophètes inspirés.