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bouddhisme

  Qu’est-ce que répondre réellement à une question ? C’est donner au questionneur une réponse qu’il n’attendait pas et qui le déconcerte. Dans le langage courant, les questions qui n’appellent qu’une approbation de pure forme sont légion ; ainsi du rituel : « comment allez-vous ? » ou des conversations sur des lieux communs où se succèdent les clichés. Ces échanges banals ne véhiculent pas d’information, leur objectif est d’établir ou de maintenir la communication entre les interlocuteurs. Ils n’engendrent rien que de prévisible et de convenu ; c’est ce que l’on appelle parler pour ne rien dire. L’un des mérites des maîtres du chan est d’avoir intuitivement compris que la source de ces bavardages stériles n’est pas la sottise humaine, mais les contraintes exercées par le langage lui-même.
  Celui qui pose la question : « Qu’est-ce que le Bouddha ? » s’attend qu’on lui parle de compassion, de sagesse ou de sainteté, de souffrance ou encore des phénomènes et de la vacuité. La réponse que fait Dongshan : « Trois mesures de chanvre », ne permet pas au moine qui a posé la question de stagner sur ces sujets fondamentaux. Dongshan évite l’écueil qui consiste à donner une réponse prévisible, car une telle réponse encourage la pensée à poursuivre son cours. En répondant « à côté » de la question, il réussit, d’une part, à ne pas enfermer le Bouddha dans une définition incomplète par nature qui ne pourrait qu’égarer le disciple et, d’autre part, ce qui est plus important dans l’instant, à stopper le flux de sa pensée. C’est aussi ce que fait Xuefeng lorsqu’il répond à Yunmen, qui lui pose la même question : « Ne délire pas ! »