Le soupçon de Nietzsche à l’égard de toute culture humaniste vise à éventer le secret de la domestication de l’humanité. Il veut désigner ceux qui détenaient jusqu’ici le monopole de l’élevage – les prêtres et les enseignants qui se présentaient comme des amis de l’homme – par leur nom et leur fonction cachée, il veut lancer une querelle, inédite dans l’histoire de l’humanité, entre des éleveurs et des programmes d’élevage différents.
Il s’agit du conflit fondamental de tout avenir, tel que le postule Nietzsche : le combat entre les éleveurs du petit homme et les éleveurs du grand homme – on pourrait aussi dire entre les humanistes et les superhumanistes, les amis de l’homme et les amis du surhomme. […] Lorsque Nietzsche parle du surhomme, il pense à une ère du monde qui se situe bien au-delà du temps présent. Il prend la mesure des processus millénaires passés au cours desquels on a pratiqué la production d’êtres humains, grâce à d’étroites imbrications entre élevage, apprivoisement et éducation – dans une pratique qui savait toutefois se rendre à peu près invisible et qui, sous le masque de l’école, avait pour objet le projet de domestication.