roman

  Il faut reconnaître que la modestie prédestinée, le désir de ne prétendre à rien et de ne conduire à rien suffiraient à faire de beaucoup de romans des livres sans reproche et du genre romanesque le plus sympathique des genres, celui qui s’est donné pour tâche, à force de discrétion et de joyeuse nullité, d’oublier ce que d’autres dégradent en l’appelant essentiel. Le divertissement est son chant profond. Changer sans cesse de direction, aller comme au hasard et pour fuir tout but, par un mouvement d’inquiétude qui se transforme en distraction heureuse, telle a été sa première et sa plus sûre justification. Faire du temps humain un jeu et du jeu une occupation libre, dénuée de tout intérêt immédiat et de toute utilité, essentiellement superficielle et capable par ce mouvement de surface d’absorber cependant tout l’être, cela n’est pas peu de chose. Mais il est clair que la technique a transformé le temps des hommes et leurs moyens d’en être divertis.
(Le chant des Sirènes)