quotation

Des gens connaissent la maladie dont ils mourront. Je connaissais la mienne. Sacrilège, tôt ou tard, je deviendrais la proie du diable. Rien à faire. Je traînais cette idée. Elle grandit avec moi. Elle donnait à mes actes une inquiétude, logique pour moi, qui devait intriguer ceux qui ne savaient pas. Je surveillais si l’on fermait bien les becs de gaz. J’appuyais du pouce pour être sûr, puis vérifiais de nouveau, car s’il était fermé, en appuyant ne l’avais-je pas ouvert ? Je flairais ma viande. N’était-elle pas décomposée ? N’osant la laisser là, j’y répandais des doses de sel qui purifie :
  — Pourquoi, petit ?
  — J’aime cela, maman.
  Il n’en fallut pas davantage. Papa blâma mes goûts dépravés. Comment expliquer que ce gaz, cette viande portaient en eux la mort subite qui jette une âme aux pieds de son juge ?